Coupure d’internet en Mauritanie

Appel à la vigilance

Le 5 mars dernier, à 21h, quatre djihadistes membres d’Aqmi, se sont évadés de la prison centrale de Nouakchott – dénommée « Prison des salafistes » lors d’un échange de tirs tuant deux policiers et en blessant deux autres. Deux terroristes avaient été condamnés à mort, les deux autres étaient en attente de jugement. Le lendemain, dans le cadre de la recherche des fuyards les forces de police ont pris d’assaut une maison à Dar Naim où le véhicule des terroristes aurait été retrouvé et arrêté deux personnes.

Dans la foulée, le gouvernement a coupé l’internet dans tout le pays.

Ce 9 mars, au cours d’une conférence de presse, le porte-parole du Gouvernement a précisé qu’il est conscient des désagréments causés par cette rupture d’internet tant pour les sociétés que pour les citoyens concernés et a affirmé que l’internet serait rétabli « le bon moment venu ».

A notre connaissance, face à la menace terroriste, aucun État n’a encore actionné une coupure d’internet, moyen finalement dérisoire pour atteindre l’objectif à savoir reprendre les djihadistes.

Nous attirons l’attention du gouvernement mauritanien sur les conséquences de cette coupure qui prive 4 millions de citoyens de l’accès aux informations et des contacts avec les familles, notamment avec celles résidant à l’étranger. Cette situation ne peut perdurer sans attenter au droit des Mauritaniens à l’accès libre aux informations qui les concernent.

Nous attirons l’attention de la communauté internationale sur cette mesure manifestement disproportionne et inquiétante ne serait-ce que pour le manque d’explication rationnelle de la part du gouvernement mauritanien qui jette le pays dans une quasi situation d’état d’urgence.

C’est d’autant plus inquiétant que cette situation pourrait être mise à profit par le Gouvernement pour empêcher les citoyens d’avoir accès aux informations quelques mois avant les élections législatives, municipales et régionales.

Nous appelons donc la société civile et la classe politique mauritanienne à rester extrêmement vigilants et soudés face à cette menace et à réclamer sans tarder le rétablissement d’une connexion internet sans attendre « le bon moment venu ».

Coordination IRA Europe

IRA Belgique
IRA Italie
IRA France
IRA Allemagne
IRA Hollande

APPEL À MANIFESTATION LE 8 MARS

IRA-FRANCE appelle ses partenaires et tous les sympathisants à venir assister à un sit in devant l’ambassade de Mauritanie en France mercredi le 08 mars 2023 de 14h à 17h pour dénoncer la torture suivie de meurtre de Mauritaniens dans les commissariats et lieux  d’incarcération. 

Le 09 février 2023, Souvi ould Cheine a été sauvagement torturé et assassiné dans le commissariat Dar Naim 2. La sûreté nationale a voulu maquiller le crime mais l’opinion se révolte et dénonce. 

2019, M. Abasse Diallo a été tué dans le département de Mbagne près du fleuve par des militaires. Les auteurs du crime n’ont jamais été inquiétés. 

2016, Arrestation, torture et détention arbitraire de 13 membres de l’Initiative pour la Résurgence du mouvement Abolitionniste (IRA-Mauritanie). Moussa Biram et Abdallahi Matallah Seck ont été sauvagement torturés par la police. La fille du leader abolitionniste Aicha DAH ABEID a été sauvagement torturée dans une place publique lors d’une manifestation. 

Le 16 juillet 2011, le jeune Ramdhane Ould Mohamed a été tué dans le commissariat de Riadh, les criminels sont toujours impunis. 

Le 27 septembre 2011, le jeune Lamine Manghane a été assassiné par un gendarme à Maghama. L’auteur du crime a été juste muté et les parents du défunt réclament toujours justice en vain. 

Entre 1989 et 1992, plusieurs centaine de militaires noirs mauritaniens ont été assassinés dans des bases militaires. L’état refuse de juger les auteurs de ces crimes abominables. Mieux, ils sont protégés par une loi d’amnistie. 

IRA-FRANCE dénonce ces crimes à répétition de l’état mauritanien qui restent impunis depuis plusieurs décennies. Nous disons non à l’impunité des criminels en Mauritanie. 

Venez nombreux nous rejoindre devant l’ambassade de Mauritanie à Paris, 5 Rue de Montevideo, 75116 Paris. Métro ligne 2, arrêt terminus porte dauphine.

Manifestation reportée

IRA France- Mauritanie souhaitait inviter tous les militants et sympathisants à participer à une manifestation ce vendredi 17 février 2023 de 14h à 17h devant l’ambassade de Mauritanie à paris 5 rue Montevideo 75016 Paris, pour  dénoncer l’assassinat entre les mains de la police de Dar Naim du défenseur des droits de l’homme eet activiste Souvi CHEIN et exiger que toute la lumière soit mise sur ce meurtre horrible et que les coupables soient punis.

La Préfecture de police de Paris n’ayant pas autorisé cette manifestation devant l’ambassade, elle est annulée et reportée à une date ultérieure qui sera déterminée prochainement.

Enlèvement et assassinat d’un militant des droits humains

Le 10 février 2023, Souvi OULD CHEINE, activiste militant pour les droits humains, est décédé à l’hôpital Cheikh Zayed de Nouakchott, des suites des mauvais traitements subis depuis la veille au sein du commissariat de Dar Naïm.

Arrêté chez lui la veille par trois policiers, Souvi Ould Chein a été emmené dans le commissariat de Dar Naïm, réputé être un lieu de torture. Les Haratine, dit-on « n’ont que deux possibilités lorsqu’ils y entrent : la mort ou la folie ».

Selon les médecins légistes, la mort de Souvi Ould Cheine est due à deux cassures au niveau du cou et des étranglements.

Sur les réseaux sociaux, des photos circulent, montrant des traces de torture et du sang coulant du nez de la victime. Le frère du défunt affirme qu’il a été « torturé et électrocuté ».

IRA France présente ses condoléances les plus sincères à la famille et aux proches du défunt.

Nous dénonçons avec la plus grande fermeté ces événements et demandons qu’une enquête indépendante soit menée afin que les auteurs de cet assassinat puissent être impartialement jugés et répondre de leur crime.

Nous demandons aussi que des mesures soient prises afin d’éviter que de tels agissements se reproduisent, et que la torture et les assassinats soient bannis des procédés de la police, ainsi qu’il est établi dans la constitution de la Mauritanie, ainsi que dans les textes internationaux dont le pays est signataire.

Mauritanie: plusieurs mineurs en esclavage et déni public

Note d’investigation, 24 janvier 2023

Le 20 janvier 2023, à l’occasion d’un droit de réponse au journal en ligne senalioune.com, le Commissaire aux droits de l’homme, à l’action humanitaire et aux relations avec la société civile réagit à la question perpétuelle de l’esclavage, en République islamique de Mauritanie. La réfutation s’articule, comme d’usage au sein du personnel de l’Etat, autour des arguments du déni et de la relativisation. A en croire le haut responsable de l’Exécutif, les associations locales de défense de la dignité de la personne n’ont pu présenter, au rapporteur spécial des Nations unies, que « 2 cas d’esclavage présumé, déjà pendants devant la justice ».  Ce niveau d’imprudence rhétorique expose, le propos, à une réfutation d’autant moins discutable qu’elle s’appuie sur la chronologie des faits. Ici, foin de lyrisme et de slogans, les situations individuelles parlent assez. 

Ainsi, l’affaire la plus récente démontre-t-elle la permanence du défi et sa dissémination protéiforme au travers du territoire. Le 20 janvier courant, le section Ira de Zouérate, ville minière de la région du Tiris Zemmour et siège du principal employeur du pays après l’Etat, reçoit un appel au secours, de la part d’une victime collatérale de la servitude sous contrainte. Le sieur Yekber ould Salem révèle la rétention, de ses enfants, par leurs maîtres traditionnels, en l’occurrence dame Khadijetou mint Weyahi et sa sœur Moimya. La première habite à F’dérick, la seconde quelques kilomètres plus loin, à Boudarka. Les deux prétendent que le géniteur, désormais séparé de son épouse servile, n’a aucun droit sur la progéniture ; la mère appartenant à la famille maure Ehl Weyahi, les enfants relèvent du même régime de possession privée, grâce aux prescriptions de la charia, selon le modèle sunnite, de rite malékite, d’ailleurs consacré et insusceptible de critique, en vertu du code pénal de la Mauritanie. Les mineurs en captivité chez leurs propriétaires sont 3 garçons Said ould Yekber Salem, Cheikhani ould Yekber Salem et Kenkou ould Yekber Salem et 2 filles Nezaha mint Yekber Salem, et Bigue Yekber Salem. Parmi leur fratrie parvenue à l’âge de discernement – tels Moustapha ould Yekber Salem, Khdeija mint Yekber Salem, Lalla mint Yekber Salem- tous ont fui vers d’autres centres urbains où prévalent l’anonymat, les opportunités de travail et la solidarité des affranchis. 

Le vendredi 20 janvier 2023, passées 10 h, Yacoub Faye et Yacoub Abdi, respectivement coordinateur et membre du bureau régional de l’Ira, accompagnent le plaignant, Yekber ould Salem, à la brigade de gendarmerie de F’Dérick ; aussitôt, ils y remettent une plainte au commandant Tiyib ould Dah. A 11h 30, les forces de l’ordre interpellent l’auteure du crime allégué, Khadijetou mint Weyahi, âgée de 28 ans. Cependant, en gardien fidèle du système d’impunité qui a pris l’habitude d’imputer, aux militants abolitionnistes, le grief d’incitation à la révolte, le procureur de la république du tribunal de Tiris Zemour Mr Mohamed Vall ould Mouchtaba empêche, les activistes, d’accompagner le père, durant ses démarches ; aux yeux du magistrat du Parquet, l’organisation Ira est récente, d’où son éviction de la faculté d’ester en justice, alors que l’association, dès 2008 n’a jamais cessé d’assister les requérants, notamment les femmes et les enfants. Cependant, convient-il de le rappeler, malgré la qualification « crime contre l’humanité », les contrevenants arrêtés au titre de l’enquête, parfois en flagrant délit, bénéficient, tôt, de la liberté conditionnelle. La procédure peut s’étendre, s’éterniser, en vue de décourager l’ardeur des lanceurs d’alerte et d’éroder la patience, des victimes, à obtenir réparation : Arafat -Nouakchott-Bassiknou, Aïn Farba-Aïoun, Diaguili-Guidimagha, Aleg-Brakna, Eguenni Ehl Taleb-Tintane, Nouadhibou Tiris Zemmour…

Aux fins de rafraichir la mémoire du ministre et celle, manifestement distraite de ses services, nous les prions et demandons, à l’opinion, d’écouter le témoignage d’un adulte séparé des siens, par la rigueur d’une pratique d’inégalité de race, à justification religieuse, qui se perpétue depuis au moins 10 siècles, sur le sol de l’actuelle Mauritanie ; quelques jours après, suivant ainsi une jurisprudence du réel, l’orateur se dédit, sous la pression des autorités et de la tribu, alors que le Commissariat diligentait plutôt une enquête:

https://fb.watch/ibBEcg1TkN/

A l’adresse du Commissariat aux droits de l’homme, à l’action humanitaire et aux relations avec la société civile, nous tenons, dessous, preuves, à l’appui, le décompte des litiges relevant de l’esclavage contre les noirs d’origine subsaharienne ; les liens s’étendent de 2019 à 2023 ; aussi, nous sollicitons-nous, du ministre et de son département, le droit à une confrontation constructive, des chiffres et des exemples de contentieux, afin d’harmoniser les informations, en guise de préalable à un partage des tâches, aussi apaisé que pratique, de préférence avec le concours des partenaires étrangers de la Mauritanie. Nous exprimons, ici notre entière disponibilité à l’exercice. 

https://www.chezvlane.com/Mauritanie-Blanchiment-et-recel-d-esclave_a15266.html

https://www.chezvlane.com/Mauritanie-encore-un-cas-d-esclavage-traditionnel-sur-mineur-audio_a18131.html

https://www.chezvlane.com/Mauritanie-Esclavage-sur-mineur_a18215.html

https://www.chezvlane.com/Mauritanie%C2%A0-encore-une-enfant-noire-cible-d-esclavage_a27219.html

https://www.chezvlane.com/Mauritanie-attention-au-village-de-Diaguily-on-brule-vif-les-esclaves-recalcitrants_a26412.html

https://www.chezvlane.com/Alerte-d-IRA-Mauritanie-Recel-et-blanchiment-d-esclavage-en-cours_a25132.html

https://www.chezvlane.com/Mauritanie-Esclavage-ethnicite-coercition-et-spoliation_a22883.html

https://www.chezvlane.com/Mauritanie-Sevices-sur-un-descendant-d-esclaves-age-de-13-ans_a29029.html

Initiative de résurgence abolitionniste en Mauritanie (Ira-M)

Stigmatisation et répression des descendants d’esclaves en Mauritanie

Chronique d’un déshonneur permanent

Nouakchott, le 31 décembre 2022

Boutilimit

Dimanche 25 décembre 2022, le commissaire de police de Boutilimit, localité distante de 150 km, à l’Est de Nouakchott, procède à l’arrestation du lanceur d’alerte sur l’application WhatsApp, Ahmed Maouloud Boumrah. L’officier signifie au détenu, n’avoir rien à lui reprocher mais précise que l’ordre vient du préfet, Mohamd Ahid ould Sidi Yahye ; ce dernier tire prétexte d’une plainte, adressée à lui, par les notabilités arabo-berbères de la ville ; de surcroît, les autorités administratives, qu’il dirige, s’offusquent du discours, tenu par l’activiste, au travers d’enregistrements audio, largement partagés. Les partisans du parti aupouvoir, ainsi « dérangés », exigent du contrevenant, un reniement public, peu en importe le support. Ainsi se présentait la condition lui permettant de recouvrer la liberté et d’échapper aux poursuites en justice.

Boumrah refuse, non sans contester la commission d’un quelconque délit, hormis la dénonciation des discriminations de race, de naissance et de castes, instaurées, par les notabilités tribales et affairistes de la ville, au détriment des mal-nés, fussent-ils forgerons et descendants d’esclaves, pourtant majoritaires dans la localité, selon le critère du nombre ; à l’occasion des mêmes propos incriminés, l’auteur du propos relève la récurrence des vols, viols et violences, par effraction et à main armée dont les habitants se plaignent.

Aussitôt l’arrestation constatée, Mohamed Lemine Amar Salah, chef de la section Ira de Boutilimit, accourt au commissariat en compagnie de militants qui expriment leur colère contre la détention arbitraire et l’ultimatum des excuses.

Devant l’afflux des protestataires, la police convoque l’oncle du détenu et lui demande de le raisonner ; des notables du sérail tentent de le faire plier et changer d’avis, sans succès. Le parti d’opposition Rassemblement des forces démocratiques (Rfd), ainsi que des blogueurs et personnalités de la ville, publient des communiqués de solidarité avec le lanceur d’alerte et réclament sa libération.

Le 28 décembre, la tension était très vive aux alentours du commissariat où séjourne Ahmed Mouloud Boumrah. Une unité de police, lourdement armée, fait irruption dans la rue et capture Mohamed Lemine Amar Salah. A 17h30, un autre officier ordonne à ses agents, de déshabiller le prisonnier et de le placer derrière les grilles d’un cachot insalubre. Cependant, la victime bénéficiera d’un traitement plus digne, lorsque Mohamed ould Brahim, secrétaire général de la commission nationale des droits de l’Homme (Cndh) lui rendra visite, en soirée. Mais, curieusement, en présence des agents, il apostrophe le reclus, comme une justification des abus des forces de l’ordre : « Tu es traité ainsi parce que te voici à l’origine d’audios à caractère délictueux » !

Rosso

Le 29 décembre, Mohamed Lemine Amar Salah est relâché, en fin de matinée, alors que Ahmed Mouloud Boumrah subit la déportation, sur une distance de 200 km, à Rosso, chef-lieu de la région du Trarza.  La gendarmerie le conduit auprès du procureur de la république. Ce dernier le libère et classe l’affaire « sans suite ». In fine, il s’agissait d’une intimidation, d’usage quasi-systématique visant à casser l’élan de la contestation. Les précédents du genre saturent l’actualité.

Nouakchott

Le même 29 décembre 2022, l’Ong IRA organise à Nouakchott, la capitale, un rassemblement, en face du siège de l’Assemblée nationale, afin de protester contre l’apologie de l’esclavage par un député du parti islamiste Tawassoul, le sieur Elkotb ould Emmat  ; l’acte, précédé d’un préavis au préfet du Ksar, département qui englobe l’enceinte du Parlement, relève du droit constitutionnel à manifester ; les meneurs tenaient à dire leur refus de banaliser l’insulte envers les personnes d’ascendance noire africaine et les femmes, cibles privilégiées d’un élu du peuple qui ne cesse de proférer la haine et le racisme, sous le bouclier protecteur de la religion.

Dès la première vague de manifestants, des unités de la police, en tenue anti-émeute, investissent les lieux, munis de matraques ; ils molestent les porteurs de pancartes et s’en prennent aux badauds. Les assaillants, il convient de le rappeler, agissent en vertu des directives du ministre de l’Intérieur, adversaire résolu des luttes tendant à défendre la citoyenneté et l’égalité des humains, sur le territoire de la République islamique de Mauritanie. Après l’incident, une délégation de l’IRA remet au Président du Parlement une « apostrophe républicaine », en vue d’obtenir des mesures de discipline, à l’endroit de leur collègue Elkotb ould Emmat.

D’évidence, ce ne sont ici, que deux exemples, certainement pas les derniers, de la marche glorieuse, de nos compatriotes, vers la refondation d’un contrat social où la faveur et les privilèges indus cesseront, pour toujours.  Qui se met en travers d’une telle dynamique est du nombre des perdants.

Initiative de résurgence abolitionniste en Mauritanie (Ira-M)

Liens vidéo et images statiques (cliquer sur les liens) :

Boutilimit A

Boutilimit B

Rosso

Nouakchott

Hommage aux victimes oubliées de l’épuration ethnique en Mauritanie (1986-1991): les pasteurs pulaarophones du Guidimakha

Célébration de la Journée internationale des droits de l’Homme

10 décembre 2022, siège de l’IRA-M, Nouakchott, Mauritanie

A l’occasion de la Journée internationale des droits de l’Homme, Ira-M réitère son engagement contre l’oubli et l’impunité. Par-delà les rassemblements annuels d’hommage à la communauté des disparus, suppliciés et déportés, dans les localités martyres de Azlat, Jreïda, Inal, Sorimalé et Wothie, nous rouvrons, cette année, la page des massacres commis, au Guidimakha, contre des paysans et éleveurs, tous locuteurs du Pulaar.

A mesure que le temps passe, de nouveaux témoignages affluent et confirment l’implication des forces de sécurité et des milices, sous l’égide d’une administration territoriale dont la chaîne de commandement reste à l’abri de la moindre poursuite en justice. Parce que la peur s’estompe, le désir d’équité ressurgit, reprend de sa vigueur ; le sel de la mémoire et la fatalité de la réparation constituent, en l’occurrence, le vecteur inépuisable de notre détermination à contrecarrer la « loi d’amnistie », du 14 juin 1993.

A l’époque, sous l’autorité du Gouverneur, Dah Ould Abdeljelil, récemment recyclé à la présidence de la Commission nationale électorale indépendante (Ceni), selon le témoignage de monsieur Mokhtar Diallo ici présent aujourd’hui, de nombreux hameaux et campements de bouviers nomades endurent, durant 3 ans, la violence d’escadrons jusqu’ici au-dessus du droit ; la quasi-totalité des exactions et tueries, dessous rapportées, se déroulaient, en 1989 et 1990 ; elles engagent la responsabilité, exclusive, de Mauritaniens, anciens maîtres (Bidhane) et descendants d’esclaves (Hratine). L’identité ethnolinguistique des auteurs ne varie.

1. A Nebiya, commune de Ould Yengé, l’unique famille occupant les lieux, est décimée.  Le père, Adama Ndiaye, son épouse Souadou et leurs sept enfants furent battus et emmenés, par un groupe de miliciens et le bétail spolié, le même jour. Ils ne reviendront jamais ; d’ailleurs, la majorité des civils, victimes d’assassinats à visée raciste, n’a bénéficié d’une localisation funéraire.

2. A Mouta’alla, bourg du département de Ould Yengé, des militaires, un matin, rassemblent 27 personnes (hommes, femmes et enfants), pour les conduire, en convoi, vers une destination inconnue. Les survivants ne parviendront à retrouver la trace des captifs.

3. A Tektaake, orée de Ould Yengé, deux hommes, emmenés par des soldats en uniforme, n’ont plus donné signe de vie, abandonnant, progéniture, logis et biens. 

4. A Mudji, entre Selibaby et Gouraye, des éléments de l’armée procèdent à l’interpellation de 7 jeunes qui jouaient aux cartes, chez l’un d’eux. Ligotés et conduits, de force, hors du périmètre du village, aucun d’eux ne refait signe.

5. A Weyduyol, quartier de Sélibaby, chef-lieu du Guidimakha, 13 individus, de sexe masculin, succombent à la brutalité des hommes en uniforme ; trois périssent, dans la rue, à coups de pierres sur la tête et dix, à bout portant ou touchant, les tirs de fusil ayant visé la tête.

6. A Boruuji, municipalité de Gouraye, un détachement de la Garde nationale se saisit de 5 vendeurs de viande sur pied, raflés en rase campagne. Ils entrent, entravés, à la garnison, où leur arrivée provoque l’émoi des riverains ; un vieux notable soninké intervient, afin d’arracher la libération du plus jeune, au motif qu’il serait orphelin ; sa doléance obtient satisfaction mais les quatre autres n’en ressortiront plus sauf pour être enterrés, morts, dans un site entre Djaguili et Moullisimon.

7. A Kalinioro, département de Ould Yengé :

– Le directeur de l’école, Hadiya Ba, apprend que des miliciens arabophones entreprennent d’exproprier le patrimoine bovin de sa collectivité ; il se rend à l’endroit de l’incident et y trouve l’un de ses neveu, enchaîné au milieu des assaillants ; quand il tente de le détacher en discutant avec eux, il essuie une rafale, de leur arme d’assaut et succombe, aussitôt. Séance tenante, il fut enseveli dans un ravin naturellement creusé à la suite d’un écoulement des eaux de pluie ; après plusieurs réclamations du corps, le préfet de Ould Yengé supervise l’exhumation et remet, la dépouille, aux siens.

– Djibi Samba, éleveur de génisses, est abattu, sous les balles de la milice, tandis qu’il gardait ses veaux.  Il est inhumé aux alentours.

8. A Mbomé et Gurel Mamudu, espace administratif de Gouraye, des gardes en tenue, ramassent les hommes valides et les internent, dans leur base ; ensuite, dès la tombée de la nuit, ils repartent violer les filles et femmes, restées seules, en compagnie d’enfants et de quelques vieillards. Aucun homicide n’est enregistré, car la troupe répugnait, en général, à liquider, les femmes et les enfants, devant témoins.

9. A Dubalde, non loin de Ould Yengé, 9 pisteurs d’animaux volés par les miliciens s’évaporent, dans la nature.

10. A mi-chemin de Dangremu et Chagaar, à l’orée de Sélibaby, le dénommé Koundel disparaît.

11. Entre Kumba Ndaw et Guemou, circonscriptiondeGhabou, Mamadou Dioum, un bûcheron et son fils vont à la découpe, pour n’en jamais revenir….

12. A Sélibaby-ville :

– Yaya Tall, parti à la recherche de son troupeau, ne réapparaît plus ; son fils y réside encore.

– Bala Sow subit une exécution extrajudiciaire, en périphérie de l’agglomération, alors qu’il suivait les traces de son cheptel. La sépulture est identifiée.

13- Kagnogol, un périmètre de culture à l’orée de Mbayédiam, Hamadi kibbo, parti chercher son chameau est abattu par balle au moment où il liait son chameau ; après leur forfaiture sanglante, les miliciens en tenues militaires emportèrent le chameau.

Conclusion

Au terme de cet exercice de documentation non exhaustive, Ira-M ouvre le registre de la remémoration, à tout détenteur d’une bribe de détail qui extirperait, du néant abyssal, le passage sur terre, d’un parent, d’un ami, d’une connaissance, toutes victimes, trop tôt ôtées à la vie, par la convergence du sentiment de supériorité et du rejet violent de la différence ainsi que  l’assurance induite. L’appel s’adresse, d’abord, aux sections locales de notre association, en particulier dans la Vallée du fleuve. Un jour, proche, bien plus proche qu’il ne paraît, les coupables rendront compte – même en dépit d’un exil doré au Qatar. La publication de la vérité, enfin, libérera, le tortionnaire, de ses angoisses et le rescapé de son ressentiment. Alors, la Mauritanie pourrait se réinventer un avenir.

Le bureau exécutif d’IRA Mauritanie

10 décembre | Anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme

Le 10 décembre 1948, la Déclaration universelle des droits de l’homme était adoptée par l’Assemblée générale de l’ONU.

Rappelons son article premier : Tous les êtres humains naissent LIBRES et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.

IRA France-Mauritanie souhaite rendre hommage aujourd’hui à toutes les personnes à travers le monde qui, d’une façon ou d’une autre, agissent pour que cet horizon devienne réalité.

Sévices sur un descendant d’esclaves, âgé de 13 ans

Note d’alerte

La révélation du scandale

Mohamed ould Mrazgui, enfant de 13 ans, né de caste servile, a été confié, à une famille de tuteurs, par sa mère Salma mint Salem ; celle-ci habite le village de Aïn Emelline, à 50 km de Boutilimit, chef-lieu du département, dans la région du Trarza, théâtre de dénonciations récurrentes, au motif de pratiques d’esclavage et de radicalisation religieuse. Mohamed devait servir la dame Vatimetou mint Mohamed Yahya ould Tlamid, en contrepartie d’une prime versée à ses propres parents. La ci-devant maîtresse, domiciliée à Nouadhibou, poumon économique de la Mauritanie, le maltraitait et lui faisait subir maints sévices dont des brûlures par couteau incandescent, la bastonnade à vif, l’isolement et les insultes racistes. En vertu de l’on ne sait quelle perversion, elle le contraignait à porter des tenues féminines, comme l’atteste une vidéo sur les réseaux sociaux.  Mohamed raconte, en détail, la maltraitance, le défaut de scolarisation, l’affectation permanente aux corvées et courses de la maison et le travail domestique, sans rémunération.  Dès la découverte du drame, il revendique le retour auprès de sa mère. Selon les recoupements disponibles, il s’agit d’une situation d’exploitation et de séquestration, accompagnée d’actes de barbarie, ainsi que le prouvent les images jointes et le film, bref, où il témoigne. Manifestement, il est ici question d’esclavage moderne et de traite des personnes, en relation avec la servitude d’antan, l’enfant étant né de descendants de captifs, tous deux d’origine subsaharienne. Les cas similaires sont légion en milieu arabo-berbère et pas seulement au Trarza.

La réaction des autorités

Alertée grâce à la vigilance des voisins, la section de l’Ira à Nouadhibou se saisit de l’affaire, le 23 novembre 2022 à 11h ; aussitôt, elle dépose plainte auprès du procureur de la république qui ordonne, sans délai, l’ouverture d’une enquête. La commissaire de police en charge des mineurs, madame Salka mint Choumad, traînera longtemps les pieds, avant de se décider, enfin, à 18h. Comme il est d’usage en République islamique de Mauritanie, elle s’empresse d’arrêter les militants lanceurs d’alerte, Lemrabot ould Mahmoud et Lemine Djiby, respectivement Secrétaire général et responsable des droits humains, au sein de la section locale de l’Initiative de résurgence abolitionniste (Ira). Ils furent libérés, à minuit. A leur sortie, l’officier de la sûreté publique, Salka mint Choumad, intima, aux activistes, de laisser la victime entre ses mains et de rentrer chez eux.  Compte tenu des antécédents de pression multiforme aux fins de modifier la nature du litige et de l’inscrire à la rubrique des faits divers, les partisans de l’Ira refusèrent de déférer à l’injonction. Leur crainte n’allait tarder à recevoir une illustration éclatante.

Cependant et contre toute attente, le parquet décida de sévir : dès après 18h, la police convoque Vatimetou mint Mohamed Yahya ould Tlamid, cible de l’incrimination et la place en détention préventive. Alors, la machine – rodée – du blanchiment des crimes d’esclavage, se mit en marche: la génitrice de Mohamed Mrazgui, Salma mint Salem, ainsi que le père, effectuent un voyage-éclair, de Boutilimit à Nouadhibou, sur un trajet de plus de 600km. Sous influence prévisible de la police, des politiciens du cru, de certains magistrats et des tribus, le couple exclut d’ester en justice ; la maman de Mohamed déclare avoir « confié » l’enfant à ses tortionnaires présumés ; elle s’emploie, plutôt, à changer les propos de ce dernier, malgré l’appel au secours et l’évidence des griefs, d’ailleurs circonstanciés. En dépit des preuves de violence que confirment les cicatrices de blessures anciennes et fraîches, le père et la mère, assurent que la victime bénéficiait d’un traitement enviable ; son fils, prétend-elle, s’habillait bien et recevait de l’argent, en vertu d’une libéralité de ses bienfaiteurs. Raison supplémentaire de vigilance, de nature à interpeller le pouvoir exécutif, les députés et la Commission nationale des droits de l’Homme (Cndh), Salma mint Salem évoque, par comparaison, le sort de ses autres garçons qui se trouveraient dans une posture similaire mais elle n’en précise le détail. Une enquête indépendante s’impose et vite.

Observations

Peu de jours après la visite, à Nouakchott, du Président du Conseil européen, l’honorable Charles Michels, porteur d’un message de relèvement de la coopération en matière d’Etat de droit et de sécurité, voici la Mauritanie rattrapée par l’héritage de l’esclavage, du racisme et de l’impunité. Le calvaire de Mohamed ould Mrazgui vient rappeler, à nos partenaires et surtout à l’opinion nationale, l’urgence d’une action spécifique pour sauver des milliers de mineurs en déshérence, de la double peine qu’implique le statut de rejeton d’esclaves, même affranchi : autant ils endurent la misère et l’exploitation, autant l’avenir hors de l’école moderne compromet leurs chances d’émancipation. A supposer qu’il soit acquis, l’enseignement exclusif du Coran ne les nourrira, ici-bas…

Initiative de résurgence abolitionniste en Mauritanie (Ira-M)

Nouadhibou, 28 novembre 2022

Liens connexes

L’enfant se décrit : https://web.facebook.com/abou.doip/videos/654458526377029

La mère donne sa version : https://web.facebook.com/lamin.djibi/videos/1435208000222082

Charles Michels se rend en Mauritanie : https://ami.mr/fr/index.php/2022/11/21/charles-michel-la-mauritanie-est-un-partenaire-solide-de-lue-un-partenaire-stable-dans-une-region-difficile/

28 novembre | DÉCLARATION des Associations mauritaniennes de France

DECLARATION  

Dans la nuit du 27 au 28 novembre 1990, à INAL, 28 militaires noirs sont pendus par leurs « propres frères d’arme arabo-berbères », au nom de l’État, en guise de célébration du 30ème anniversaire de l’accession de notre pays à la souveraineté internationale.

Ce faisant, le régime sanguinaire arabo-berbère du Colonel Maawouya OULD SID’AHMED TAYA qui a entamé un génocide contre la communauté négro-africaine du pays dès l’année 1986, a voulu marquer l’institution définitive d’un État mauritanien exclusivement arabe. La date du 28 novembre, qui devait être le socle symbolique de l’unité de tous les Mauritaniens, est devenue un jour de douleur, de deuil et de grande tristesse pour toute la communauté négro-africaine.

En effet, pendant que la Mauritanie officielle et des pans entiers de la population paradent pour célébrer l’anniversaire de l’indépendance, une autre grande partie du peuple se recueille dans le deuil et les prières en commémoration de ces crimes qui marquent le point culminant de la page la plus abjecte de l’histoire de la Mauritanie.

Depuis cette sinistre nuit d’INAL, les veuves, orphelins et ayants-droits des victimes des purges ethniques, ainsi que toutes les organisions des droits de l’homme, civiles et politiques, engagées pour les causes d’équité et de droits ne cessent de réclamer Justice, mais en vain. Cette épuration ethnique, faut-il le rappeler, ne s’est pas limitée à l’armée, mais a transformé la vallée du fleuve et tous les recoins du pays où habitent et travaillent les négro-mauritaniens, en territoires de non droit, de viols, d’humiliations de toutes sortes, d’accaparement des terres cultivables et d’exécutions sommaires.

A cette occasion, nous exprimons notre colère, notre révolte et notre cri de voir l’État mauritanien persister dans son manque de courage à assumer ses responsabilités. Nous estimons qu’il n’y a aucune volonté politique de résolution de la tragédie vécue par la composante négro-mauritanienne noire, par des gestes significatifs et des actions concrètes. Au contraire, il y a des tentatives de manipulations et de divisions des victimes, pour que la justice ne soit pas rendue. Nous en appelons aux organisations politiques, associatives, aux victimes et à la communauté internationale pour que la justice fasse son travail. Personne ne pourra pardonner des crimes dont les responsabilités n’ont pas été identifiées : Justice avant le pardon.

Cette date, le 28 novembre n’est plus celle de l’honneur, de la dignité et de la fierté de notre pays, mais celle de la honte, de la trahison et de l’inhumanité. Il faut changer de sens et de symbole pour célébrer l’indépendance  nationale.  

Nous exigeons du gouvernement mauritanien l’application du devoir de vérité, du devoir de justice, du devoir de mémoire, des réparations matérielles et morale pleines et entières.

Nous demandons aux autorités qataris l’expulsion, au mieux l’arrestation et le déferrement de Maawouya OULD SID’AHMED TAYA, principal auteur du génocide mauritanien, qui vit en reclus au Qatar où l’Émir lui a accordé l’asile politique.

Les organisations signataires : 

LE COMITE INAL , AVOMM, ARMME, CAMME,OCVIDH, ODH, VOIX, MURITANI MIN NJEJJITTAA, FLAM,FPC, AJDM/R, PLEJ, AFMAF, IRA

Paris, le 27 novembre 2022