Hommage aux victimes oubliées de l’épuration ethnique en Mauritanie (1986-1991): les pasteurs pulaarophones du Guidimakha

Célébration de la Journée internationale des droits de l’Homme

10 décembre 2022, siège de l’IRA-M, Nouakchott, Mauritanie

A l’occasion de la Journée internationale des droits de l’Homme, Ira-M réitère son engagement contre l’oubli et l’impunité. Par-delà les rassemblements annuels d’hommage à la communauté des disparus, suppliciés et déportés, dans les localités martyres de Azlat, Jreïda, Inal, Sorimalé et Wothie, nous rouvrons, cette année, la page des massacres commis, au Guidimakha, contre des paysans et éleveurs, tous locuteurs du Pulaar.

A mesure que le temps passe, de nouveaux témoignages affluent et confirment l’implication des forces de sécurité et des milices, sous l’égide d’une administration territoriale dont la chaîne de commandement reste à l’abri de la moindre poursuite en justice. Parce que la peur s’estompe, le désir d’équité ressurgit, reprend de sa vigueur ; le sel de la mémoire et la fatalité de la réparation constituent, en l’occurrence, le vecteur inépuisable de notre détermination à contrecarrer la « loi d’amnistie », du 14 juin 1993.

A l’époque, sous l’autorité du Gouverneur, Dah Ould Abdeljelil, récemment recyclé à la présidence de la Commission nationale électorale indépendante (Ceni), selon le témoignage de monsieur Mokhtar Diallo ici présent aujourd’hui, de nombreux hameaux et campements de bouviers nomades endurent, durant 3 ans, la violence d’escadrons jusqu’ici au-dessus du droit ; la quasi-totalité des exactions et tueries, dessous rapportées, se déroulaient, en 1989 et 1990 ; elles engagent la responsabilité, exclusive, de Mauritaniens, anciens maîtres (Bidhane) et descendants d’esclaves (Hratine). L’identité ethnolinguistique des auteurs ne varie.

1. A Nebiya, commune de Ould Yengé, l’unique famille occupant les lieux, est décimée.  Le père, Adama Ndiaye, son épouse Souadou et leurs sept enfants furent battus et emmenés, par un groupe de miliciens et le bétail spolié, le même jour. Ils ne reviendront jamais ; d’ailleurs, la majorité des civils, victimes d’assassinats à visée raciste, n’a bénéficié d’une localisation funéraire.

2. A Mouta’alla, bourg du département de Ould Yengé, des militaires, un matin, rassemblent 27 personnes (hommes, femmes et enfants), pour les conduire, en convoi, vers une destination inconnue. Les survivants ne parviendront à retrouver la trace des captifs.

3. A Tektaake, orée de Ould Yengé, deux hommes, emmenés par des soldats en uniforme, n’ont plus donné signe de vie, abandonnant, progéniture, logis et biens. 

4. A Mudji, entre Selibaby et Gouraye, des éléments de l’armée procèdent à l’interpellation de 7 jeunes qui jouaient aux cartes, chez l’un d’eux. Ligotés et conduits, de force, hors du périmètre du village, aucun d’eux ne refait signe.

5. A Weyduyol, quartier de Sélibaby, chef-lieu du Guidimakha, 13 individus, de sexe masculin, succombent à la brutalité des hommes en uniforme ; trois périssent, dans la rue, à coups de pierres sur la tête et dix, à bout portant ou touchant, les tirs de fusil ayant visé la tête.

6. A Boruuji, municipalité de Gouraye, un détachement de la Garde nationale se saisit de 5 vendeurs de viande sur pied, raflés en rase campagne. Ils entrent, entravés, à la garnison, où leur arrivée provoque l’émoi des riverains ; un vieux notable soninké intervient, afin d’arracher la libération du plus jeune, au motif qu’il serait orphelin ; sa doléance obtient satisfaction mais les quatre autres n’en ressortiront plus sauf pour être enterrés, morts, dans un site entre Djaguili et Moullisimon.

7. A Kalinioro, département de Ould Yengé :

– Le directeur de l’école, Hadiya Ba, apprend que des miliciens arabophones entreprennent d’exproprier le patrimoine bovin de sa collectivité ; il se rend à l’endroit de l’incident et y trouve l’un de ses neveu, enchaîné au milieu des assaillants ; quand il tente de le détacher en discutant avec eux, il essuie une rafale, de leur arme d’assaut et succombe, aussitôt. Séance tenante, il fut enseveli dans un ravin naturellement creusé à la suite d’un écoulement des eaux de pluie ; après plusieurs réclamations du corps, le préfet de Ould Yengé supervise l’exhumation et remet, la dépouille, aux siens.

– Djibi Samba, éleveur de génisses, est abattu, sous les balles de la milice, tandis qu’il gardait ses veaux.  Il est inhumé aux alentours.

8. A Mbomé et Gurel Mamudu, espace administratif de Gouraye, des gardes en tenue, ramassent les hommes valides et les internent, dans leur base ; ensuite, dès la tombée de la nuit, ils repartent violer les filles et femmes, restées seules, en compagnie d’enfants et de quelques vieillards. Aucun homicide n’est enregistré, car la troupe répugnait, en général, à liquider, les femmes et les enfants, devant témoins.

9. A Dubalde, non loin de Ould Yengé, 9 pisteurs d’animaux volés par les miliciens s’évaporent, dans la nature.

10. A mi-chemin de Dangremu et Chagaar, à l’orée de Sélibaby, le dénommé Koundel disparaît.

11. Entre Kumba Ndaw et Guemou, circonscriptiondeGhabou, Mamadou Dioum, un bûcheron et son fils vont à la découpe, pour n’en jamais revenir….

12. A Sélibaby-ville :

– Yaya Tall, parti à la recherche de son troupeau, ne réapparaît plus ; son fils y réside encore.

– Bala Sow subit une exécution extrajudiciaire, en périphérie de l’agglomération, alors qu’il suivait les traces de son cheptel. La sépulture est identifiée.

13- Kagnogol, un périmètre de culture à l’orée de Mbayédiam, Hamadi kibbo, parti chercher son chameau est abattu par balle au moment où il liait son chameau ; après leur forfaiture sanglante, les miliciens en tenues militaires emportèrent le chameau.

Conclusion

Au terme de cet exercice de documentation non exhaustive, Ira-M ouvre le registre de la remémoration, à tout détenteur d’une bribe de détail qui extirperait, du néant abyssal, le passage sur terre, d’un parent, d’un ami, d’une connaissance, toutes victimes, trop tôt ôtées à la vie, par la convergence du sentiment de supériorité et du rejet violent de la différence ainsi que  l’assurance induite. L’appel s’adresse, d’abord, aux sections locales de notre association, en particulier dans la Vallée du fleuve. Un jour, proche, bien plus proche qu’il ne paraît, les coupables rendront compte – même en dépit d’un exil doré au Qatar. La publication de la vérité, enfin, libérera, le tortionnaire, de ses angoisses et le rescapé de son ressentiment. Alors, la Mauritanie pourrait se réinventer un avenir.

Le bureau exécutif d’IRA Mauritanie

10 décembre | Anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme

Le 10 décembre 1948, la Déclaration universelle des droits de l’homme était adoptée par l’Assemblée générale de l’ONU.

Rappelons son article premier : Tous les êtres humains naissent LIBRES et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.

IRA France-Mauritanie souhaite rendre hommage aujourd’hui à toutes les personnes à travers le monde qui, d’une façon ou d’une autre, agissent pour que cet horizon devienne réalité.

Sévices sur un descendant d’esclaves, âgé de 13 ans

Note d’alerte

La révélation du scandale

Mohamed ould Mrazgui, enfant de 13 ans, né de caste servile, a été confié, à une famille de tuteurs, par sa mère Salma mint Salem ; celle-ci habite le village de Aïn Emelline, à 50 km de Boutilimit, chef-lieu du département, dans la région du Trarza, théâtre de dénonciations récurrentes, au motif de pratiques d’esclavage et de radicalisation religieuse. Mohamed devait servir la dame Vatimetou mint Mohamed Yahya ould Tlamid, en contrepartie d’une prime versée à ses propres parents. La ci-devant maîtresse, domiciliée à Nouadhibou, poumon économique de la Mauritanie, le maltraitait et lui faisait subir maints sévices dont des brûlures par couteau incandescent, la bastonnade à vif, l’isolement et les insultes racistes. En vertu de l’on ne sait quelle perversion, elle le contraignait à porter des tenues féminines, comme l’atteste une vidéo sur les réseaux sociaux.  Mohamed raconte, en détail, la maltraitance, le défaut de scolarisation, l’affectation permanente aux corvées et courses de la maison et le travail domestique, sans rémunération.  Dès la découverte du drame, il revendique le retour auprès de sa mère. Selon les recoupements disponibles, il s’agit d’une situation d’exploitation et de séquestration, accompagnée d’actes de barbarie, ainsi que le prouvent les images jointes et le film, bref, où il témoigne. Manifestement, il est ici question d’esclavage moderne et de traite des personnes, en relation avec la servitude d’antan, l’enfant étant né de descendants de captifs, tous deux d’origine subsaharienne. Les cas similaires sont légion en milieu arabo-berbère et pas seulement au Trarza.

La réaction des autorités

Alertée grâce à la vigilance des voisins, la section de l’Ira à Nouadhibou se saisit de l’affaire, le 23 novembre 2022 à 11h ; aussitôt, elle dépose plainte auprès du procureur de la république qui ordonne, sans délai, l’ouverture d’une enquête. La commissaire de police en charge des mineurs, madame Salka mint Choumad, traînera longtemps les pieds, avant de se décider, enfin, à 18h. Comme il est d’usage en République islamique de Mauritanie, elle s’empresse d’arrêter les militants lanceurs d’alerte, Lemrabot ould Mahmoud et Lemine Djiby, respectivement Secrétaire général et responsable des droits humains, au sein de la section locale de l’Initiative de résurgence abolitionniste (Ira). Ils furent libérés, à minuit. A leur sortie, l’officier de la sûreté publique, Salka mint Choumad, intima, aux activistes, de laisser la victime entre ses mains et de rentrer chez eux.  Compte tenu des antécédents de pression multiforme aux fins de modifier la nature du litige et de l’inscrire à la rubrique des faits divers, les partisans de l’Ira refusèrent de déférer à l’injonction. Leur crainte n’allait tarder à recevoir une illustration éclatante.

Cependant et contre toute attente, le parquet décida de sévir : dès après 18h, la police convoque Vatimetou mint Mohamed Yahya ould Tlamid, cible de l’incrimination et la place en détention préventive. Alors, la machine – rodée – du blanchiment des crimes d’esclavage, se mit en marche: la génitrice de Mohamed Mrazgui, Salma mint Salem, ainsi que le père, effectuent un voyage-éclair, de Boutilimit à Nouadhibou, sur un trajet de plus de 600km. Sous influence prévisible de la police, des politiciens du cru, de certains magistrats et des tribus, le couple exclut d’ester en justice ; la maman de Mohamed déclare avoir « confié » l’enfant à ses tortionnaires présumés ; elle s’emploie, plutôt, à changer les propos de ce dernier, malgré l’appel au secours et l’évidence des griefs, d’ailleurs circonstanciés. En dépit des preuves de violence que confirment les cicatrices de blessures anciennes et fraîches, le père et la mère, assurent que la victime bénéficiait d’un traitement enviable ; son fils, prétend-elle, s’habillait bien et recevait de l’argent, en vertu d’une libéralité de ses bienfaiteurs. Raison supplémentaire de vigilance, de nature à interpeller le pouvoir exécutif, les députés et la Commission nationale des droits de l’Homme (Cndh), Salma mint Salem évoque, par comparaison, le sort de ses autres garçons qui se trouveraient dans une posture similaire mais elle n’en précise le détail. Une enquête indépendante s’impose et vite.

Observations

Peu de jours après la visite, à Nouakchott, du Président du Conseil européen, l’honorable Charles Michels, porteur d’un message de relèvement de la coopération en matière d’Etat de droit et de sécurité, voici la Mauritanie rattrapée par l’héritage de l’esclavage, du racisme et de l’impunité. Le calvaire de Mohamed ould Mrazgui vient rappeler, à nos partenaires et surtout à l’opinion nationale, l’urgence d’une action spécifique pour sauver des milliers de mineurs en déshérence, de la double peine qu’implique le statut de rejeton d’esclaves, même affranchi : autant ils endurent la misère et l’exploitation, autant l’avenir hors de l’école moderne compromet leurs chances d’émancipation. A supposer qu’il soit acquis, l’enseignement exclusif du Coran ne les nourrira, ici-bas…

Initiative de résurgence abolitionniste en Mauritanie (Ira-M)

Nouadhibou, 28 novembre 2022

Liens connexes

L’enfant se décrit : https://web.facebook.com/abou.doip/videos/654458526377029

La mère donne sa version : https://web.facebook.com/lamin.djibi/videos/1435208000222082

Charles Michels se rend en Mauritanie : https://ami.mr/fr/index.php/2022/11/21/charles-michel-la-mauritanie-est-un-partenaire-solide-de-lue-un-partenaire-stable-dans-une-region-difficile/

28 novembre | DÉCLARATION des Associations mauritaniennes de France

DECLARATION  

Dans la nuit du 27 au 28 novembre 1990, à INAL, 28 militaires noirs sont pendus par leurs « propres frères d’arme arabo-berbères », au nom de l’État, en guise de célébration du 30ème anniversaire de l’accession de notre pays à la souveraineté internationale.

Ce faisant, le régime sanguinaire arabo-berbère du Colonel Maawouya OULD SID’AHMED TAYA qui a entamé un génocide contre la communauté négro-africaine du pays dès l’année 1986, a voulu marquer l’institution définitive d’un État mauritanien exclusivement arabe. La date du 28 novembre, qui devait être le socle symbolique de l’unité de tous les Mauritaniens, est devenue un jour de douleur, de deuil et de grande tristesse pour toute la communauté négro-africaine.

En effet, pendant que la Mauritanie officielle et des pans entiers de la population paradent pour célébrer l’anniversaire de l’indépendance, une autre grande partie du peuple se recueille dans le deuil et les prières en commémoration de ces crimes qui marquent le point culminant de la page la plus abjecte de l’histoire de la Mauritanie.

Depuis cette sinistre nuit d’INAL, les veuves, orphelins et ayants-droits des victimes des purges ethniques, ainsi que toutes les organisions des droits de l’homme, civiles et politiques, engagées pour les causes d’équité et de droits ne cessent de réclamer Justice, mais en vain. Cette épuration ethnique, faut-il le rappeler, ne s’est pas limitée à l’armée, mais a transformé la vallée du fleuve et tous les recoins du pays où habitent et travaillent les négro-mauritaniens, en territoires de non droit, de viols, d’humiliations de toutes sortes, d’accaparement des terres cultivables et d’exécutions sommaires.

A cette occasion, nous exprimons notre colère, notre révolte et notre cri de voir l’État mauritanien persister dans son manque de courage à assumer ses responsabilités. Nous estimons qu’il n’y a aucune volonté politique de résolution de la tragédie vécue par la composante négro-mauritanienne noire, par des gestes significatifs et des actions concrètes. Au contraire, il y a des tentatives de manipulations et de divisions des victimes, pour que la justice ne soit pas rendue. Nous en appelons aux organisations politiques, associatives, aux victimes et à la communauté internationale pour que la justice fasse son travail. Personne ne pourra pardonner des crimes dont les responsabilités n’ont pas été identifiées : Justice avant le pardon.

Cette date, le 28 novembre n’est plus celle de l’honneur, de la dignité et de la fierté de notre pays, mais celle de la honte, de la trahison et de l’inhumanité. Il faut changer de sens et de symbole pour célébrer l’indépendance  nationale.  

Nous exigeons du gouvernement mauritanien l’application du devoir de vérité, du devoir de justice, du devoir de mémoire, des réparations matérielles et morale pleines et entières.

Nous demandons aux autorités qataris l’expulsion, au mieux l’arrestation et le déferrement de Maawouya OULD SID’AHMED TAYA, principal auteur du génocide mauritanien, qui vit en reclus au Qatar où l’Émir lui a accordé l’asile politique.

Les organisations signataires : 

LE COMITE INAL , AVOMM, ARMME, CAMME,OCVIDH, ODH, VOIX, MURITANI MIN NJEJJITTAA, FLAM,FPC, AJDM/R, PLEJ, AFMAF, IRA

Paris, le 27 novembre 2022

28 novembre | Fête nationale et jour de deuil.

Le 28 novembre 1960, la Mauritanie devenait indépendante. Mais depuis 1990, cette date ne peut plus être célébrée. Elle est au contraire un jour de deuil pour les noirs mauritaniens et tous ceux qui se soucient des droits de l’homme.

En effet, le 28 novembre 1990, 28 soldats peulhs emprisonnés à Inal furent choisis pour être exécutés par pendaison. Ce crime d’État reste à ce jour impuni. Chaque année, le leader de notre mouvement, Biram Dah Abeid, et sa délégation se rendent dans cette ville pour se recueillir sur les tombes des soldats. C’est un moment douloureux pour les familles des victimes. Le principal auteur de ce crime est le sanguinaire Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya qui vit en reclus au Qatar où l’émir lui a accordé l’asile politique.

Dimanche 27 novembre 2022, des associations et des ONG de défense des droits de l’homme ont appelé les Mauritaniens de France et tous les sympathisants à manifester du Parvis des Droits de l’Homme au Trocadéro jusqu’à l’ambassade du Qatar, afin de demander l’expulsion, l’arrestation et le déferrement de Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya, et plus largement de dire NON au racisme en Mauritanie, NON à l’oubli, NON à l’impunité, OUI à la traduction des coupables devant la justice.

Associations et organisations signataires : Le Comité Inal, le Cadre de Concertation des Rescapés Mauritaniens en Europe et aux USA (AVOMM, ARMME, CAMME, OCVIDH, VOIX, ODH et Muritani Min Njejjittaa), les Organisations Mauritaniennes de défense des droits de l’homme, mouvements politiques et partis politiques, AFMAF , FLAM, FPC et AJD MR, IRA France Mauritanie.

Forum Régional Africain pour la libération de l’esclavage

Kigali, Rwanda, 21-25 novembre 2022 – Communication de Biram Dah Abeid

Bonjour, mesdames et messieurs, chers participants !

Citoyen de la République Islamique de Mauritanie, je viens du Sahel, une contrée de l’Afrique qui a hérité, depuis avant l’islamisation et la colonisation, de communautés structurées sur l’inégalité de naissance, l’endogamie et l’esclavage. Dans les sociétés du Sahel-Sahara post-islamisation, les groupes dominants fondèrent leurs règles de préséance sur l’esclavage et transposèrent les textes, de droit « musulmans », à leurs modes de vies, bien antérieurs à l’Islam; néanmoins, l’adaptation de la nouvelle religion, aux rapports de supériorité, engendrera la légalisation des pratiques d’inégalité de naissance, qui connaîtront, alors, un essor historique, géographique et culturel. Le commerce négrier vers les Amériques est venu, dans la foulée, pour enraciner et figer, jusqu’à nos jours, un lien de domination où s’insinue le racisme anti- noir ; l’hémorragie du Continent, à travers les pistes des traites transsahariennes ainsi que celles d’Afrique du Nord, du littoral Swahili et de la mer Rouge, se trouva renforcée et dépassée par la version atlantique et triangulaire. Le déplacement forcé des populations jeunes devient plus actif et massif, renforçant davantage l’impact de l’esclavage et de ses manifestations dans les sociétés du Sahel-Sahara.

La colonisation française utilisera deux procédés différents face à la persistance du problème en Afrique. Le premier procédé s’adresse, d’abord, aux autochtones subsahariens et adopte le choix de la répression, quoique de manière souvent molle. Le deuxième vise plutôt les groupes Arabe, Touareg et Maures, des peuples que la littérature coloniale sublimait et appelait « les hommes bleus ». L’esclavage en leur sein a été largement toléré et même concédé par l’administration coloniale. Ainsi, les responsables de l’occupation niaient l’existence d’esclaves et préféraient parler de « captifs » : aujourd’hui, la ligne politique et diplomatique de négation de l’esclavage qu’adopte la Mauritanie et d’autres pays du Sahel est un héritage du colonialisme français. Tous les dirigeants de l’Afrique indépendante sont tombés dans le travers du négationnisme, attitude qui fera, des esclaves chez nous, les vrais laissés-pour- compte de la colonisation et de la décolonisation, dans le même temps.

Plus que tous les pays sahéliens dont les sociétés vivent l’esclavage coutumier et de castes comme un trait culturel, la Mauritanie, continue de fonder le mode de vie d’une importante partie de l’élite arabo-berbère dominante, sur l’exploitation de l’homme par l’homme, notamment le travail non-rémunéré et indécent, sans omettre la séparation des familles serviles, le trafic des enfants et des femmes; le droit de s’approprier le corps d’une esclave et la légitimation du viol ancillaire ponctuent la déshumanisation des victimes. Aussi, devant le caractère scandaleux de la question, l’oligarchie esclavagiste qui dirige la Mauritanie, adopte, désormais, la duplicité de sa diplomatie, à l’endroit du droit international public. La ruse consiste à ratifier toutes les conventions possibles et imaginables sur l’esclavage et les trafics des personnes, édicter des lois nationales de coercition, capter les fonds destinés aux colloques, ateliers et autres programmes de prévention et formation, voire créer des tribunaux ad- hoc. A un autre niveau de traitement oblique du phénomène, il s’agira de nommer des cadres ou personnalités issus des milieux serviles, au sein du gouvernement et de la haute administration, en leur assignant la mission de témoigner contre le réel ; in fine, des institutions comme la Commission nationale des droits de l’Homme (Cndh), le Commissariat éponyme et le Mécanisme national de prévention de la torture (Mnp) bénéficient de financements, en vue de saturer la sensibilisation contre l’esclavage, au détriment de la sanction pénale; certains diplomates, représentants des pays du monde libre ou des institutions internationales, accompagnent parfois ce carnaval d’enfumage. Cependant :

1- L’Etat mauritanien assure l’impunité totale dans tous les dossiers de crimes avérés d’esclavage : Les plaintes de la petite Ghaya Maiga, Mariem Cheibani et ses filles, deux exemples parmi plusieurs, qualifiés de contrainte esclavagiste par le Parquet et la police, sont sabotées, sur injonction du pouvoir ; juges d’instruction, messieurs Outhmane Mohamed Mahmoud, Moctar Ahmed Dah et Moulaye Ahmed Mohamedhen s’abstiennent d’appliquer la loi, en dépit même des insuffisances de celle-ci. De surcroît, les autorités se gardent de porter assistance matérielle et psychologique, aux personnes à présent émancipées, d’où le retard de leur réinsertion dans une société de normalité moderne. Aucun bourreau n’est exproprié au profit de ses esclaves, malgré des siècles d’humiliation et de violence, y compris le viol des servantes et des cas de mutilations parmi le cheptel masculin.

2- Le gouvernement exerce l’ostracisme contre l’ONG Initiative de résurgence abolitionniste en Mauritanie (Ira-M) ; la punition survient en réaction à notre volonté de ne pas accepter de compromission avec les violations de la dignité minimale des gens : depuis le passage du Rapporteur spécial des Nations Unies sur les formes contemporaines de l’esclavage, à Nouakchott et sa rencontre avec nous, les proches du Président de la république islamique de Mauritanie ont enclenché la diabolisation de l’Ira-M et de ses dirigeants ; nous voici sanctionnés au motif d’avoir livré, à notre interlocuteur onusien, notre part de vérité, en somme un diagnostic sévère mais fidèle quant aux discriminations envers les noirs de Mauritanie. Celles-ci se manifestent encore dans la rue, visibles à l’œil nu, à tous les échelons de la vie civile et à l’intérieur de l’appareil d’Etat. Justice, commandement militaire et de sécurité, économie, banques, tenure des terres de culture, diplomatie et office religieux illustrent la vivacité et la permanence de la ségrégation.

3- Le seul parti capable de créer l’alternance dans mon pays, le parti pour la Refondation et une action globale (Rag), est interdit parce qu’il projette, en vertu du vote libre et de la non-violence, le démantèlement du système d’hégémonie raciale et l’instauration d’un État de droit où la citoyenneté égale et unique, la pluralité ethnique et linguistique, le bannissement de l’obscurantisme et la gouvernance économique transparente sont parmi les orientations principales.

Mesdames et Messieurs, honorable assistance, je vous invite à davantage suggérer aux organismes gouvernementaux et non gouvernementaux accrédités en Mauritanie d’être plus vigilants aux fins de mieux s’imprégner du scandale de l’impunité et de la duplicité et d’en documenter le fil et les manifestations. Nous comptons sur vos observations et propositions pour notre action en vue du règlement définitif, au nom du devoir de solidarité universelle, en face de l’ignominie que je viens de décrire. Je vous remercie.

Libération des militants du parti RAG

27 septembre. Nous apprenons avec soulagement la libération des militants du parti RAG emprisonnés arbitrairement depuis le 21 septembre. L’appel à manifester est cependant maintenu. Nous vous donnons rendez-vous demain mercredi 28 septembre de 12 h à 14h devant l’ambassade de Mauritanie à Paris, afin de protester contre la détention injustifiée subie par Mme Salma Dia, Mme Achour Ghamou, M. Cheikh Vall, M. Hassan Moktar et M. Mohamed Ali.

Ambassade de Mauritanie. 5 rue Montevideo 75016 Paris. Métro ligne 2 station Porte Dauphine.

Merci par avance de votre mobilisation !

Communiqué de presse et appel à manifestation – Arrestation de 5 militants de RAG

Nouakchott. Le 21 septembre 2022 , 5 militants du parti RAG, aile politique d’IRA Mauritanie, ont été convoqués et enlevés par la police politique de Nouakchott puis conduits à Kiffa, à 600 km de la capitale, sans aucune raison alléguée et en dehors de toute procédure judiciaire légale.

Il s’agit de Mme Salma Dia ; Mme Achour Ghamou ; M. Cheikh Vall ; M. Hassan Moktar ; M. Mohamed Ali.

Après avoir vu quelques améliorations en matière de droits humains ces dernières années, la nouvelle présidence Ghazouani, par son gouvernement, promulgue des décrets érodant les réformes précédemment entamées. Le ministre de l’Intérieur refuse de reconnaître le parti RAG . Pour intimider et empêcher toute expression de mécontentement, la population subit à nouveau des arrestations arbitraires.  

Nous appelons à une manifestation et mobilisation générale mercredi 28 septembre 2022 de 12h à 14h dans toutes les sections d’IRA en Europe.

Nous dénonçons avec force les méthodes barbares de la police politique et l’exhortons à libérer immédiatement et sans condition les 5 militants arrêtés. Nous demandons la fin des arrestations arbitraires et le respect de la liberté d’expression des oppositions, ainsi que la reconnaissance du parti RAG.

Toutes les sections d’IRA en Europe appellent à une manifestation et mobilisation générale mercredi 28 septembre 2022 de 12h à 14h.

Les signataires 

IRA FRANCE 

IRA BELGIQUE 

IRA ITALIE 

IRA ESPAGNE 

IRA HOLLANDE

IRA ALLEMAGNE

Un inquiétant retour de l’autoritarisme en Mauritanie

La politique d’ouverture du gouvernement mauritanien aura été de courte durée. En début d’année, la reconnaissance légale d’IRA, l’inculpation pour corruption et la détention de l’ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz, puis la tenue à Nouakchott d’un G5 Sahel contre l’esclavage, ainsi que l’annonce de la levée de l’interdiction de partis politiques, avaient donné l’espoir d’un tournant démocratique en Mauritanie. Hélas, ce mouvement a connu un arrêt brutal avec la nomination d’un nouveau ministre de l’Intérieur au mois de mai. Aussitôt ses fonctions prises, Mohamed Ahmed O. Mohamed Lemine a en effet envoyé un émissaire à Biram Dah Abeid pour lui dire qu’à la différence du régime du président Aziz, qui l’avait relâché de prison, celui du nouveau président Ghazouani ne le laisserait pas sortir vivant s’il était à nouveau incarcéré. IRA France-Mauritanie dénonce avec la plus grande indignation ces menaces de mort.

Depuis, une loi limitant la liberté d’expression a été votée par le parlement, où le parti INSAF au pouvoir détient une écrasante majorité. Des blogueurs ont ainsi pu être arrêtés, emprisonnés, condamnés à de lourdes peines. Dénoncer le racisme et les discriminations, critiquer le président et autres autorités, comme tout symbole de l’Etat, sont devenus des délits.

La question de l’état civil reste également un problème fondamental. L’ancien président Aziz ne facilitait pas l’obtention de papiers d’identité par les Haratines ou les Négro-Mauritaniens. Après avoir promis une réforme pour donner des papiers à tous les Mauritaniens, et ouvert des centres d’état civil dans de nombreuses localités, le pouvoir de Mohamed Ould Ghazouani les a fermés, n’en conservant qu’un par département. Ceci oblige à des déplacements trop coûteux pour une partie de la population. Ainsi, de nombreuses personnes se trouvent sans existence civile, sans droit de vote, sans accès aux soins, et leurs enfants ne peuvent être scolarisés.

Si les tenants du système tentent de conserver leurs prérogatives avec ces mesures iniques, la société mauritanienne quant à elle aspire au changement, y compris les jeunes générations arabo-berbères qui semblent de plus en plus conscientes de cette nécessité. Lors d’une tournée à travers le pays, Biram Dah Abeid, président d’IRA, et Oumar Yali, président du parti RAG, ont pu constater l’ampleur de l’adhésion aux valeurs qu’ils portent. C’est sans doute ce qui inquiète le pouvoir en place.

Ne laissons pas ce virage vers la démocratie se transformer en un demi-tour vers l’autoritarisme !