Le résultat de l’élection présidentielle est maintenant connu, le président Ghazouani est réélu avec 56% des voix, sans surprise lorsqu’on sait qu’il avait déclaré qu’il ne laisserait pas la gouvernance de son pays à d’autres mains que les siennes. Tout était en place pour qu’il en soit ainsi.
Une élection très encadrée
L’ensemble du processus électoral était sous la responsabilité de la Commission Electorale Nationale Indépendante contestée par l’ensemble des candidats pour son absence d’indépendance( ses membres ont été nommés par le président puis cooptés ).
Dans une conférence de presse du 1er juillet Biram Dah Abeid, chef de la coalition anti-système qui a lui même obtenu 22,54 % des voix a rejeté les résultats des élections promulgués par la CENI, menaçant de descendre dans la rue. Une brève manifestation de jeunes a eu lieu à Sebkha, le ministre de l’intérieur s’est félicité d’avoir maté la rébellion et ramené le calme.
Le rôle de la CENI
Rappelons tout d’abord que la CENI n’avait autorisé qu’un seul bureau de vote par continent et que certains mauritaniens de la diaspora n’ont pu exercer leur devoir électoral du fait de l’éloignement. A quelques jours du scrutin, des bureaux de vote ont été fermés dans des lieux supposés favorables à l’opposition si bien que l’on peut se demander si les autorités n’ont pas cherché à éliminer certains électeurs .
Le 23 juin dernier, la coordination des mandataires des candidats de l’opposition démocratique, refusant le monopole exercé par la CENI avait proposé des mesures dans le but de garantir la transparence et la régularité des élections, mesures refusées .
Durant la journée de samedi les états majors de campagne de trois candidats ont signalé diverses anomalies au cours des opérations de vote en plusieurs lieux : des cartes utilisées jusqu’à quatre fois, ailleurs, certains citoyens n’ont pu voter, leur carte ayant déjà servi . Des témoins ont rapporté également que des personnes avaient reçu de l’argent et des bulletins de vote de la part des autorités, certaines se sont vu promettre des faveurs en échange de bulletins de vote, d’autres se sont plaintes de menaces .
Des membres de partis d’opposition ont pu attentivement surveiller le déroulement du scrutin mais d’autres ont été expulsés des bureaux de vote (à Akmi par exemple, commune d’Ain Ahl Taya). Des vérifications sont en cours actuellement pour comparer les listes d’électeurs et le nombre de votants dans certains villages.
La CENI a été informée de ces comportements graves compromettant l’équité des résultats.
Le jour d’après : arrestation des leaders de la campagne
Lundi, le directeur de campagne de Biram Dah Abeid , M Yacoub Ould Lamrabott, a été arrêté brutalement par la police et emmené dans un lieu inconnu, tout comme M. Bakary Tandia, directeur exécutif du conseil des présidents qui a disparu depuis plus de 48H. Ainsi les deux leaders de la campagne du candidat Biram Dah Abeid sont actuellement disparus et le siège de la coalition pour le changement est investi par les forces de l’ordre.
Biram Dah Abeid, mettant en doute la crédibilité des chiffres publiés par les membres de la CENI qu’il accuse d’être partisans de Mohamed Ould Ghazouani dénonce un coup d’état électoral.
The Mauritanian Network for Human Rights appelle les pays de l’Union Africaine , les U.S.A., la Fédération de Russie, les pays de l’Union Européenne, les pays de la Ligue Arabe, à ne pas féliciter un candidat qui n’aurait pas été choisi par le peuple mauritanien à travers un processus électoral libre et équitable.
Et maintenant ? (4 juillet)
Arrestations, tortures et décès dans un commisariat.
Plus de 300 personnes ont été arrêtées dans différents quartiers de Nouakchott et à Nouadhibou au cours de troubles post-électoraux ayant suivi l’annonce de la victoire du président Ghazaoui. Les forces de police et de gendarmerie lourdement armées ont réprimé les manifestations pacifiques avec la plus grande brutalité.
A Kaédi, ville martyre, une manifestation pacifique de jeunes, trompés par une fausse nouvelle de la victoire de Biram et exprimant leur joie a été sauvagement réprimée, suivie d’une chasse à l’homme jusque dans les maisons.
A la suite de leur arrestation deux jeunes gens d’une vingtaine sont morts sous la torture dans le commissariat et un autre à l’hôpital. Ces décès doivent absolument faire l’objet d’enquêtes et ne doivent pas rester impunis car il s’agit d’assassinats. Deux membres des forces de l’ordre ont été blessées également.
Les directeurs de campagne ont été libérés (pourquoi avaient-ils été arrêtés?) .
Reprise de la vie politique
Alors que certains candidats reconnaissent la victoire de Ghazaoui, Bira Dah Abeidm persiste dans son refus et relève les anomalies qui ont marqué le déroulement du scrutin et abouti à des résultats frauduleux : procès verbaux falsifiés, plus de votants que d’inscrits, mais aujourd’hui il faut aussi analyser des méthodes beaucoup plus sophistiquées permettant de fausser des résultats, ce qui prendra du temps.
Au cours d’une conférence de presse Biram Dah Abeid a exprimé son étonnement devant une telle flambée de violence de la part d’un président victorieux et s’interroge pour savoir qui est le véritable dirigeant de la Mauritanie : le ministre de l’Intérieur ou le président ?
La volonté normale de vouloir maintenir l’ordre public ne doit pas faire oublier que manifester pacifiquement est un droit constitutionnel et que rien ne justifie la brutalité des forces de l’ordre armées devant des personnes sans armes et encore moins l’assassinat de trois jeunes gens dans un commissariat.
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